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Camp de Miellin (Haute-Saône, près de Belfort)
27 septembre 2019

Discours de Brigitte QUICHON, Consul (H) d'Espagne à Besançon - Cérémonie des 80 ans du Camp de Miellin

Cérémonie en Mémoire des internés du Camp de MIELLIN
Haute-Saône,  22 septembre 2019

Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Maire de Servance - excusé
Monsieur le Maire de Miellin,
Madame et Monsieur les adjoints aux Maires de Mélisey et Lure,
Madame la Conseillère Départementale,
Madame la représentante du monde combattant,
Madame la Présidente de l’Amicale du  Camp de Miellin (con un fuerte abrazo desde Miellin…)
Mesdames et Messieurs,

Une tradition sans faille et des convictions appuyées réunissent ici les descendants des réfugiés internés dans le camp de Miellin. Cette tradition représente un instant majeur sur les lieux même d’une souffrance,  et on vient y rendre  hommage au  courage, à la dignité, de plus de 600 femmes et enfants.

Et c’est un honneur pour moi d’être parmi vous ce matin pour cette cérémonie dédiée aux internés du camp de Miellin.

Il y a 80 ans, c’était la Retirada, l’exode de milliers de républicains espagnols suite à la défaite des forces loyales à la République durant la Guerre civile.

Entre janvier et mars 1939, près d’un demi-million de républicains espagnols arrivèrent sur le sol français.

On sait pour en avoir si souvent entendu le récit, quel fut le décompte des heures de fureur et d’inquiétude, le choc des combats, la marée de l’exil,  et ici résonne le souvenir de la fuite désordonnée, de l’escorte lourde des disparus, du chagrin des familles inquiètes,  de la peur du lendemain, de  la peur tout court.

Certains, comme votre présidente, Mme Aurelia Moya-Freire, n’avaient connu que le tumulte depuis leur enfance ou leur adolescence, tumulte devenu le compagnon de route tristement familier.

Ils connurent à leur arrivée  en  Haute-Saône l’accueil généreux de nombreuses familles des communes du département, qui hébergèrent en février 1939 des centaines de familles de républicains espagnols, et la relation entre les descendants des uns et des autres s’est maintenue au cours des années.

C’est l’occasion de nous incliner devant la générosité et la solidarité démontrée à l’égard de nos compatriotes.  

Mais le  souffle retrouvé et  le  semblant de normalité  fut bref car vite terni par des dispositions réglementaires et une loi établie en temps de guerre à l’encontre des étrangers.

Et ce fut l’internement.

Dans ce paisible paysage, des femmes et des enfants, des vieillards, se retrouvèrent alors transférés dans ce camp,  cernés par des barbelés, et y connurent l’humiliation de l’internement, dans la promiscuité, avec la faim, la maladie,  des carences sanitaires et hygiéniques, et le froid sibérien de l’hiver 1939.

De la douleur des affrontements suivi  de la souffrance des populations  il  reste à présent cette stèle, et ce calendrier des mémoires collectives, un calendrier étiré depuis 80 ans.

Seul le recueillement pourra trouver place ici, en cet espace d’émotion où chacun d’entre nous saura s’abandonner à ce silence.
Devant cette stèle où se raconte une douleur de l’Histoire des peuples,  il faut aimer ces instants qui  réunissent pour commémorer et où, chacun d’entre nous, loin des divergences et des désaccords du quotidien, ne peut que se sentir proche de ceux qui nous accompagnent ici.

En ce jour dédié  à  la mémoire des centaines de femmes, enfants et invalides internés à Miellin,  mais aussi ce jour anniversaire  de la  libération de la commune le 22 septembre 1944, commune où fraternellement nombre d’autres stèles rappellent les combats de la Libération de la France, ajoutons à notre recueillement et à nos  pensées un autre anniversaire, celui du 75ème anniversaire de la libération de la France, et avec lui la mémoire d’autres hommes, républicains réfugiés venus d’Espagne, exilés qui s’engagèrent et  firent partie glorieusement des armées de la France , et parmi eux :
*ceux de la Nueve du général Leclerc qui furent les premiers à entrer dans Paris le 24 août 1944 avec leurs blindés portant des noms comme Teruel, Ebro, Madrid  ou Guadalajara , et  nombreux reçurent la croix de guerre ; ils étaient 146 en débarquant en Normandie, et n’étaient plus qu’une poignée à leur arrivée au Nid d’Aigle d’Hitler.
* ceux qui rejoignirent la Résistance française et les maquis, et nombre d’entre eux   furent arrêtés, emprisonnés, torturés, fusillés par l’occupant.

Et permettez-moi d’ajouter particulièrement la mémoire de deux républicains espagnols, Saturnino Trabado et Balthazar Robledo, du groupe de résistance  Marius VALLET, Morts pour la France.

La médaille de la Résistance vient de leur être décernée et un hommage solennel  rendu ce dernier 8 septembre en la Citadelle de Besançon.

La mémoire de tous  est ainsi respectée, l’hommage que nous leur devons  est ainsi rendu.

Mais à présent j’adresse, ou plutôt nous adressons, avec notre Consulat Général à Strasbourg et tout particulièrement la chancelière, Mme Medrano Irazola, qui sont présents par la pensée, des compliments particuliers à Mme la présidente Aurelia Moya-Freire, et aux membres de l’Amicale du Camp de Miellin, qui ont rendu possible cet évènement, en soulignant leur  travail de grande qualité  et leur effort d’investigation et de reconstitution de la mémoire.

Le  courage de ces femmes et de ces enfants pour leur survie en temps de guerre représente un exemple pour les générations futures  et il faut connaître et faire connaître leur histoire.

Elle appartient à la mémoire historique de l’Espagne, elle appartient à notre Histoire à tous.

Merci.

Brigitte QUICHON
Consul (H) d’ESPAGNE à Besançon
22 septembre 2019

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